L’art subtil de s’en foutre

« Un livre de développement personnel pour ceux qui détestent le développement personnel ». Le discours ambiant nous pousse sans cesse à nous améliorer. Sois plus heureux. Sois en meilleure santé. Sois plus intelligent, plus rapide, plus riche, plus sexy, plus productif. Mais il faut en finir avec la pensée positive, nous dit Mark Manson. « Soyons honnêtes : parfois tout va de travers, et il faut faire avec ». Voici la promesse de Mark Manson.

Si vous êtes adeptes de livres de développement personnel depuis un moment, celui-ci ne vous apprendra guère plus que ce que vous savez déjà. Je pense que vous aurez l’impression de lire des banalités. Pour autant, ce sont des banalités qu’on a souvent tendance à oublier et une petite piqûre de rappel ne fait de mal à personne. Si vous n’êtes pas très spirituels l’approche de l’auteur a des chances de vous séduire. Cela n’a pas totalement été mon cas mais j’ai quand même relativement apprécié ma lecture.

LE STYLE DE MARK MANSON

Le ton familier, désinvolte, hautain et certains passages sexistes ont été un problème pour moi. Je n’ai pas réussi à m’identifier à l’auteur et aux expériences qu’il a traversées. C’est assez problématique dans la mesure où Mark Manson parle souvent de lui. Certaines expériences personnelles évoquées pour illustrer son propos n’ont pas toujours fait sens pour moi. Par contre, tous les exemples historiques ont été déterminants pour ma compréhension et ont rendu ma lecture moins laborieuse. J’ai, entre autre, découvert les histoires du psychologue américain William James, du soldat japonais Hirō Onoda et de l’anthropologue et sociologue américain Ernest Becker. Les bribes distribuées ça et là ont suscité mon intérêt.

A l’issue de ma lecture, j’ai fait quelques recherches et en tombant sur le blog de l’auteur j’ai compris pourquoi j’ai eu du mal à accrocher. Mark Manson est un blogueur célèbre Outre-Atlantique, il n’a aucune formation liée au développement personnel et surtout, ce qu’il aime le plus c’est parler de lui. Pourquoi en aurait-il été autrement dans son livre ? Malgré cette mauvaise impression, j’ai lu l’ouvrage dans son intégralité et contre toute attente mon avis n’est pas si négatif.

Dans L’art subtil de s’en foutre, Mark Manson nous demande en fait de faire tout le contraire. Personne ne peut être indifférent à tout mais la réciproque fonctionne également. Tout ne peut pas nous tenir à cœur de la même manière. Tout ne peut pas avoir la même importance. C’est cette capacité à déterminer ce qui est réellement important pour nous qui peut nous conduire à changer radicalement notre façon d’être, de penser, d’exister.

APPRENDRE À LÂCHER PRISE

Il nous faut apprendre à lâcher prise. La vie est par essence un flot continu de souffrances inévitables de degrés divers. Par ailleurs, le principe même de la vie c’est qu’un jour tout s’arrête. La mort est au bout du chemin. Tout le monde le sait mais peu vivent en ayant vraiment conscience de cette fatalité. Dans un monde où certains cherchent à vivre éternellement cela n’a rien d’étonnant. Pourtant se rappeler de temps à autre que « quoi qu’on fasse à la fin on disparaît », joue beaucoup sur notre façon de vivre et d’apprécier les bons comme les mauvais moments qui rythment un parcours. La souffrance est utile, nécessaire, vitale en ce sens qu’elle nous sert de moteur. Il ne sert donc à rien de chercher à l’éviter ou à la nier. On a plutôt tout intérêt à la comprendre et à choisir le type de souffrance que l’on est prêt à endurer. Pour cela il nous faut déterminer des valeurs qui nous sont propres (c’est-à-dire ce pour quoi nous sommes prêts à souffrir) et cela nécessite un travail sur soi-même. Une véritable entreprise de remise en question. Apprendre que nous ne sommes pas extraordinaires – pas tous en tout cas – et que ce n’est pas grave, ne pas avoir peur de l’échec parce qu’il est souvent fondateur, prendre ses responsabilités en toute circonstance (notamment bien saisir la nuance entre responsabilité et culpabilité), comprendre que la banalité n’a rien de mal, se détacher de l’influence des réseaux sociaux pour aller à l’essentiel. Son essentiel. Telles sont les grandes lignes de L’art subtil de s’en foutre.

J’ai particulièrement aimé les passages sur la définition des valeurs productives :

« Nos valeurs déterminent la nature de nos problèmes et ceux-ci définissent  à leur tour la qualité de notre vie. Les valeurs cool (comme l’honnêteté, la vulnérabilité, la créativité, défendre les autres,…) sont basées sur la réalité, socialement constructives et immédiates et contrôlables. Les valeurs merdiques (la domination, se sentir bien tout le temps, ne jamais rester seul, se regarder le nombril,…) sont basées sur des superstitions, socialement destructrices et ni immédiates ni contrôlables. Leur satisfaction mobilise souvent des moyens socialement destructeurs ou basés sur des superstitions ». 

 sur la confiance en soi:

« Le problème avec tout ce pataquès autour de l’estime de soi, c’est que les psys l’évaluaient en fonction de l’image positive que les gens avaient d’eux-mêmes. Alors que le vrai critère de l’estime de soi, c’est au contraire l’appréciation par chacun des aspects négatifs de lui-même »

et sur les problèmes personnels :

 « La vérité, c’est qu’un problème personnel, ça n’existe pas. Si tu as un problème, dis-toi bien que des millions de gens l’ont eu avant toi, l’ont en ce moment où l’auront demain. […] Souvent prendre conscience de ça permet de commencer à entrevoir des solutions ».

EN BREF…

Ici le développement personnel n’est pas la recherche d’un moi en mieux avec plus mais plutôt un (ré)apprentissage du moi tel que je suis vraiment et probablement avec moins.

Le bonheur est un état d’esprit à vivre et à cultiver au quotidien avec ses proches et non un objectif à atteindre telle la quête du Saint Graal. La force de L’art subtil de s’en foutre, c’est d’aller à contre courant de la tendance actuelle du culte de la performance. L’auteur, à sa manière, peut aider, accompagner ceux qui ne vivent qu’à travers le regard des autres, sont sans cesse en compétition et perdent le sens véritable de toute chose. Les clés qu’il donne sont très légères car il ne s’agit pas d’un livre de coaching, et parce qu’encore une fois il n’est pas spécialiste. Il n’y a donc pas de cas pratique mais plutôt des pistes de réflexion. Pour cette raison, je considère qu’il s’agit d’un bon livre pour les débutants, si on aime l’humour potache, le ton familier et l’écriture orale d’un mec qui n’y connait rien mais dont la vie a selon lui radicalement changé depuis qu’il a mis en pratique ce qu’il partage ici.

 

Jay

♪ THE ONE – Jorja Smith

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